Fin
août 2015, une information fuit : Ikililou Dhoinine soutient
Mamadou à l’élection présidentielle. Les fidèles de Mamadou,
qui rasaient les murs, prennent subitement du poil de la bête et
certaines personnalités se sont approchées de ce dernier pour le
soutenir. De fin août 2015 à début mars 2016, l’UPDC considérait
les élections comme une formalité destinée à introniser ses
candidats. Mais elle a insolemment creusé sa tombe en entachant le
premier tour des élections de plusieurs irrégularités grossières.
Et depuis la donne a radicalement changé : plusieurs
manifestations contre les fraudes, signature d’un protocole
d’accord destiné à sécuriser le prochain scrutin, modification
des rapports entre Ikililou Dhoinine et Mamadou. Et surtout une
alliance CRC/Juwa est signée.
Et
depuis le bateau ivre prend littéralement l’eau et la ferveur a
laissé place à l’inquiétude. Car depuis les élections
législatives et municipales de 2015, tout le monde savait que c’est
le candidat soutenu par Sambi qui aurait le plus de chance d’accéder
à Beit Salam. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les
délires prononcés depuis ce dimanche 27 mars.
Mais
en réalité, dès l’ouverture de la campagne, l’équipe de
Mamadou a décidé de réécrire l’histoire comorienne en rendant
Azali responsable de la crise séparatiste à travers des banderoles
juste indécentes. Mamadou a-t-il déjà attrapé la maladie
d’Alzheimer ? Oublie-t-il que c’est sous le régime
malheureux de Taki dont il était l’un des acteurs majeurs
d’ailleurs qu’est né le mal séparatiste qui nous ronge encore
aujourd’hui ? Et qu’Azali a usé de toutes ses forces pour
le réduire ?
Depuis
ce dimanche, l’UPDC commence par minimiser l’accord signé entre
la CRC et Juwa le considérant comme nul et non avenu du fait qu’il
a été dénoncé par Ibrahim Mohamed Soulé, Sidi et Barwane. Elle
oublie juste de dire qu’il a été signé par les candidats :
Fahmi Said Ibrahim, Ahmed Abdallah Salim, Dr Abdou Salami et Mohamed
Elhad. Un parti, c’est aussi (devrais-je dire peut-être d’abord)
les hommes ; et les hommes les plus importants ont signé. S’il
n’y a que le parti qui compte, pourquoi les soutiens de Mamadou se
sont tant réjouis qu’Ahmed Jaffar (ancien patron du Mirex) les
rejoigne ?
Mais
je crois que les réactions qui manifestent le plus vulgairement
cette peur bleue qui envahit Mamadou et son entourage sont celles de
Said Larifou, Abdelaziz Riziki Mohamed et Darchary Mikidache.
Said
Larifou avance qu’Azali a tenté de le corrompre avec la somme de
40000
€
(20 millions fc). Dans cette histoire, c’est sa parole contre celle
d’Azali. Mais en agissant de la sorte, il adopte une démarche
discourtoise, malhonnête et stupide. Discourtoise car un homme de
son rang ne dévoile pas des négociations destinées à être
confidentielles (Mamadou devrait beaucoup s’inquiéter de ce que
Larifou dira de lui dans les semaines prochaines !) ;
malhonnête car il ne dit pas ce qu’il a vraiment négocié avec
Mamadou ; stupide car il prend les électeurs comoriens comme
des imbéciles. Car de quoi parle-t-on sérieusement dans les
négociations électorales ? Eh bien de projets mais surtout
d’argent et de postes. Il y a fort à parier que Mamadou lui a
proposé plus qu’Azali, ce qui l’a conduit à signer avec lui !
Le
tristement célèbre ARM (Abdelaziz Riziki Mohamed) reste le plus
drôle. Cet homme, réussite universitaire (doublement docteur des
universités marocaine et française), échec professionnel cuisant,
traverse depuis plusieurs années, au mieux une crise existentielle
sinon une dépression pitoyable. A plus de cinquante ans, il n’a
jamais pu en fait se faire reconnaître, professionnellement à sa
juste valeur, ni par la France ni par les Comores même sous le
régime mohélien. Comme un serpent contrarié, il déverse son venin
sur tout le monde. Pire : lunatique, il est capable d’encenser
quelqu’un le matin et le fouler au pied le soir ! Il vient de
franchir un nouveau pas : il passe de la dépression
à la folie
clinique. Azali, pour lui, avait des liens amicaux avec Oussama Ben
Laden ! Or, Azali, comme le commun des mortels a des défauts
mais certainement pas celui-là : c’est un homme pieux mais
profondément laïque qui a aucune sympathie pour les terroristes.
Le
plus étonnant de tous hommes déboussolés et inquiets de leur
navire qui tangue reste Darchary Mikidache : intelligent,
courtois, élégant et généreux, il est un savant mélange de la
bourgeoisie mutsamudienne et parisienne. Haut fonctionnaire au
ministère français des finances à Paris, il vient, lui aussi, de
tomber grossièrement, dans la paresse et la bassesse intellectuelles
et dans le simplisme béat. Il vient d’accuser Azali d’avoir
détourné 40 millions d’euros (19 milliards fc). Il s’appuie
pour cela sur un texte écrit par Thierry Vircoulon publié en
janvier 2007 dans la revue catholique Etudes.
De
quoi s’agit-il vraiment ? D’un haut fonctionnaire français
anciennement employé par le Quai d’Orsay et l’Union européenne
en Afrique du Sud et en République Démocratique du Congo. Dans ce
document intitulé « l’Etat internationalisé », entre
recherche universitaire de mauvaise qualité et article de presse mal
ficelé, dans lequel il analyse les limites de l’intervention
étrangère dans les transitions politiques en Afrique, il avance
ceci : « […] aux Comores, comme l’atteste la récente
découverte de 40 millions d’euros dans des comptes à l’étranger,
le colonel Azali a pillé le Trésor Public et distribué les
contrats publics à la coterie formée par ses proches. » Trois
remarques au moins à faire là- dessus. Ce monsieur, mauvais
chercheur sans pour autant être un bon journaliste, ne donne aucune
référence de ce qu’il dit. Où ce compte se trouve-il ?
Quelle banque ? Quel pays ? Rien : affirmation
gratuite ! Azali aurait en plus distribué les contrats à ses
proches. Soit. Mais les anciens proches d’Azali constituent
aujourd’hui l’entourage de Mamadou : Houmed Msaidié, Abou
Oubeid, Ahmed Djaffar (Mohoro). Darchary Mikidiache devrait peut-être
regarder de ce côté-là aussi avant de répéter, tel un perroquet,
des accusations gratuites. Enfin, comment peut-on s’appeler
Mikidiache et être un soutien de Mamadou et oser accuser trop
facilement Azali ? Mais c’est vrai : la peur fait perdre
la raison quand le bateau à bord duquel on est embarqué, déjà
ivre, va à la dérive.
Nassurdine
Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres et essayiste, est professeur de
Lettres à Lyon.
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