lundi 23 novembre 2015

​ Ma modeste contribution au débat Ahmed Abdallah Sambi


Ma modeste contribution au débat
Ahmed Abdallah Sambi
La maladie de l'Afrique s'appelle la non-alternance au pouvoir. Elle est à l'origine non seulement du sous-développement, mais surtout des guerres et autres conflits sanglants qui déchirent le continent à intervalles réguliers. Une fois élu à la magistrature suprême, on cherche à le rester indéfiniment, souvent en tripatouillant la Constitution, parfois en éliminant physiquement ses opposants. Burundi, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, ...Combien de pays sont aujourd'hui au bord de l'explosion, tout simplement parce qu'un homme, de peur d'être inquiété par la justice ou grisé par les attributs du pouvoir, refuse crânement de redevenir un simple citoyen.

Aux Comores, le système de la tournante, malgré toutes ses imperfections, a ceci de fabuleux qu'il nous prémunit contre cette dérive autoritaire. Mais voilà que, pour assouvir les ambitions d'un homme, certains politiciens, peut-être nostalgiques du temps des coups d'Etat et probablement non contents de cette stabilité institutionnelle retrouvée, cherchent à nous renvoyer au passé.
Ils demandent une modification de la Constitution, non pour intégrer des dispositions consistant à renforcer la sécurité des citoyens en ces temps incertains, à protéger les plus vulnérables ou à limiter la gabegie de l'Etat, mais à permettre à un ex-chef de l'Etat, qui croit avoir été créé pour commander, de se présenter à la présidentielle de 2016. Je me rince encore les oreilles pour être sûr d'avoir entendu leur ''revendication''.

Au lieu de se pencher sur les questions sérieuses qui touchent à la vie de la population, au lieu de réfléchir sur l'avenir de ces milliers de jeunes qui sortent chaque année de l'université sans perspectives d'emploi, nos vénérables parlementaires cherchent plutôt à trouver un job à un ancien président de la République, déjà multi-milliardaire, qui passe ses week-end à Dubai et ailleurs. Un peu de décence !

Dans la défense de la candidature de Sambi en 2016, ces politiciens de Juwa disent, par ailleurs, ne pas vouloir entendre parler de logique insulaire, parce que cela renforcerait, à leurs yeux, le séparatisme. Ils me rappellent ces gens qui, pour lutter contre le racisme, proposent de supprimer le mot dans le dictionnaire. Si vous n'adhérez pas à cette thèse, ce que vous êtes séparatistes. On a franchement envie de rigoler.

Ce sont pourtant eux qui ont nourri l'hydre séparatiste en déroulant le tapis rouge à tous ceux qui avaient retourné leurs armes contre la République. Difficile de se poser en remparts contre le sécessionnisme quand on a blanchi les tenants de la dislocation du pays, aujourd'hui dans les plus hautes sphères de l'armée nationale.

Pourquoi, mon Dieu, demander l'organisation d'un congrès, c'est-à-dire dépenser tant d'énergie et d'argent dans un contexte si difficile, juste pour satisfaire l'appétit de pouvoir de Sambi ? Sambi ne peut pas demeurer un variable de réajustement de la Constitution comoriennne. En 2009, il avait imposé une reforme de la loi fondamentale pour allonger son mandat et s'arroger tous les pouvoirs au détriment de l'autonomie des îles, pourtant consacrée par les accords de Fomboni.

Aujourd'hui, il revient à la charge et demande une autre révision pour casser l'esprit de la tournante et pouvoir briguer la présidence en 2016. Où va-t-on très sérieusement ? Quelle République bananière accepterait-elle d'adapter sa loi fondamentale aux mouvements d'humeur d'un seul homme ?

Oui, la présidence tournante obéit à une logique insulaire et alors ? En quoi cela constitue-t-il une entorse à l'idée de ''nation'' ? Chaque pays organise ses institutions en tenant compte de ses équilibres internes. L'alternance au pouvoir entre chrétiens et musulmans au Liban ou au Nigeria a-t-elle affaibli le sentiment d'appartenance à une même communauté de destin ? Je ne crois pas. Le fait que tous les Comoriens pouvaient, jusqu'en 2002, postuler à la magistrature suprême avait-elle empêché la naissance d'un mouvement séparatiste à Anjouan ? Arrêtons de prendre le peuple pour des zozos !

Mohamed Inoussa

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