lundi 23 novembre 2015
Sambi-Anjouan : Omerta sur une sale guerre à Anjouan (suite)
La crise anjouanaise, d'ordre essentiellement électoral, commandait-elle un règlement militaire en lieu et place d'un règlement politique ? LE recours à la force contre Anjouan a fait replonger cette ile de 350.000 habitants environ dans un enfer fait de misères jamais égalées aux Comores. Tout le monde ou presque a fini par rallier en masse les positions de l'Autorité d'Anjouan de l'époque et s'accorde à se demander comment expliquer la démarche belliqueuse de Sambi et de l'Union Africaine sur la petite ile d'Anjouan.
Précédemment nous avons traité la partie relative aux responsabilités de Sambi dans ce psychodrame anjouanais, seulement nous avons omis de relater un pan de cette histoire agitée de l'ile d'Anjouan sur les manquements juridiques perpétrés par Sambi lui-même contre son ile. Nous avons et nous l'admettons volontiers, omis de relater une partie de très haute importance sur les violations juridiques de la crise institutionnelle née du report du scrutin présidentiel à Anjouan par Sambi. Nous voudrions vous demander de nous en excuser de cette omission.
Non content d'avoir foulé au pied l'article 80 du code électoral comorien, Sambi et son gouvernement de l'époque se complaisent dans l'encore des dérives qui nourrissent le toujours de la crise institutionnelle comorienne, Pour rappel, le code électoral comorien a fait l'objet d'un amendement de la part du même Sambi par rapport à la précédente loi N° 05-015/A.U du 16 octobre 2005 qui donnait la primauté aux chefs des exécutifs des Îles pour convoquer le collège électoral et pourtant c'est la loi N° 05-015/AU du 16 octobre 2005 qui a permis d'ailleurs son élection à la tête de la magistrature suprême. Celui-ci s'est donc taillé sur mesure certaines dispositions de la loi s'arrogeant ainsi les pouvoirs ,(1) de convoquer le collège électoral et (2) de faire ajourner contre toute attente et sans concertation l'élection présidentielle uniquement à Anjouan violant ainsi l'article 80 du code électoral comorien.
Pour votre gouverne, cette prérogative de report du scrutin relève exclusivement des organes de gestion des élections à savoir la Commission Electorale Nationale Indépendante et accessoirement les commissions insulaires aux élections. Outre cela, il a fait voler en éclats, discréditer et inféoder la Haute cour, la cour constitutionnelle des Comores en faisant fomenter un complot interne qui a abouti à l'éviction du Président en exercice de cette noble institution, Monsieur Ahmed Abdallah Sourette. Fait encore plus grave, il est à rappeler que les conditions de saisine de la cour constitutionnelle des comores par Sambi n'ont pas obéi aux règles d'usage édictées par la loi. En effet, les 5 conseillers qui ont destitué Mr Ahmed Abdallah Sourette ont eux aussi commis une faute encore plus grave ; ces derniers ont violé l'article 13 alinéa 2 de la loi organique sur la cour constitutionnelle des Comores qui stipule que la démission d'office est constatée au terme d'une procédure contradictoire, au scrutin secret et à la majorité de ses membres, or selon le PV de destitution de Mr Sourette, ce dernier n'a été ni convié à la réunion, ni été entendu pour présenter sa défense.
Tout à fait sur un autre volet, l'Intérim confié à Mr Mohamed Hassanaly viole les dispositions de l'article 11 alinéa 2 du règlement intérieur de la cour constitutionnelle qui dit ceci : « En cas d'empêchement ou de vacance définitive, l'exercice des fonctions du Président de la cour constitutionnelle des comores est assumé par le plus âgé des membres du bureau jusqu'à l'élection du nouveau Président. » Dans ce cas précis, l'intérim revenait légalement et légitimement à Mr Abdoulmadjid Youssouf, 1er conseiller et doyen des membres du bureau d'assumer l'intérim du Président de la cour constitutionnelle des Comores.
Nous allons nous intéresser aux autres violations en série, à savoir les accords et les textes vidés de leur substance parmi lesquels on peut citer un texte majeur qui fixait les dispositions transitoires relatives à la fin du mandat du Président de l'Ile Autonome d'Anjouan. Cet accord est communément connu sous l'appellation d'Accord de DAR-NADJAH, daté du 11 mai 2007 et signé pour l'Union des Comores, par le Vice-président IKILILOU DHOININE à l'époque, pour le Gouvernement de l'Ile Autonome d'Anjouan, par le Président sortant, le COLONEL MOHAMED BACAR, pour l'Union Africaine, par l'Envoyé spécial du Président de la commission de l'Union Africaine, Mr FRANCISCO MADEIRA et enfin pour la ligue des Etats Arabes par le Représentant spécial du Secrétaire Général, Mr SAMIR HOSNI. Le fait révélateur de cet accord est consigné dans l'Article 10 dudit accord en son alinéa 4 qui stipule que « la Communauté internationale œuvrera ;
A la sécurisation des élections des Présidents des Îles Autonomes dans le cadre institutionnel arrêté par la Commission Electorale nationale Indépendante ;
S'engage à préserver le climat de paix et de sécurité indispensables à la préparation des élections libres et démocratiques des 10 et 24 juin 2007, la Communauté internationale appelle l'ensemble des parties comoriennes et en particulier celles signataires du présent accord à s'interdire toute action de quelle que nature qu'elle soit pouvant porter préjudice aux dispositions fixées par le processus électoral en évitant toute provocation. (Malgré cela, malgré les accords signés et contresignés par toutes les parties concernées, les actes de vandalisme perpétrés par les partisans de Sambi à l'aéroport de Ouani portent une atteinte grave à l'Accord International de Dar-Nadjah démontrant ainsi le non-respect chronique et planifié de Sambi des Accords, des Constitutions des Îles et de l'Union, des lois des Assemblées des Îles et de l'Union. Il faut reconnaitre, qu'on veuille ou non, que Sambi prend un gout immodéré et quelque part perverti, à contourner, à dénaturer et à transgresser tout texte, tout engagement et toute loi de nature à favoriser la concorde nationale.
Chères lectrices et lecteurs, vous l'auriez noté de vous-même les graves violations faites au Droit comorien par Sambi pour imposer son bon vouloir envers et contre tous, il était impérieusement nécessaire de rappeler ces aspects juridiques de haute volée pour bien recadrer les responsabilités de Sambi dans le microcosme anjouanais.
De la responsabilité des partenaires extérieurs des Comores sur la crise anjouanaise
Anjouan a, à raison estimé que le mutisme de l'Union Africaine est comme une forme de désaveu et de complicité de la part de cette dernière tant les violations juridiques ont porté un coup fatal à l'ensemble du processus de réconciliation nationale. Il faut ajouter à cela que la population anjouanaise, exaspérée par la banalisation de l'impunité de Sambi dans l'encore des dérives, s'accroche à l'idée que la crise se nourrit de l'injustice chronique qui avait pignon sur rue dans l'ile d'Anjouan. Si l'on remonte l'histoire des Comores sous le règne des Sultans batailleurs, jamais ou presque les comoriens n'ont réussi à faire le sursaut pour s'asseoir autour d'une table et régler leurs différends. La cohabitation entre les iles a toujours été marquée par des conflits de leadership. Cette atmosphère a fait instaurer un climat de méfiance et de repli sur soi entre les iliens de l'Archipel. Ce qui était de loin un atout pour favoriser une atmosphère de concorde entre les gouvernants d'une manière à garantir la paix et la stabilité. Cet environnement de suspicion a toujours été un terrain de prédilection de diverses missions extérieures pour rapprocher les positions des uns et des autres. Certaines de ces missions de facilitation se sont faites remarquer brillement par des écueils à répétition, les causes pouvant émaner d'un alignement du médiateur par rapport aux positions d'une des parties en conflit ou au pire des cas par des approximations relevant d'un amateurisme qui n'a jamais fait montre d'un professionnalisme digne d'un diplomate chevronné.
Le contentieux électoral du 10 juin 2007 à Anjouan n'a pas dérogé à la règle, l'Union Africaine à la demande expresse des gouvernements comoriens successifs s'est toujours invitée aux cacophonies comoriennes sans trop de réussite. Ce qui a trop souvent conduit à la radicalisation des positions d'une ou des parties prenantes excédée par des schémas de sortie de crise, ou partisans ou stéréotypés. Ce qui est reproché aujourd'hui à l'Union Africaine et aux chancelleries en poste à Moroni s'inscrit harmonieusement aux scénarios ci-dessus exposé. L'Union Africaine, dans son aventure aux Comores n'a trouvé mieux pour pérenniser la crise et en faire un fond de commerce pour certains de ses diplomates en exercice qu'un concept d'arrangement ou autrement un bouche-trou en lieu et place de dire ou de rappeler le Droit. p Pour preuve, de toutes les médiations que l'Union Africaine a initié partout en Afrique continentale, tout s'est soldé (ou) presque par un sentiment de goût inachevé.
Il est vrai aussi qu'on ne peut pas systématiquement faire rigueur à l'Union Africaine en pleine crise structurelle et dépourvue de tout. A l'opposé de l'Union Africaine, qu'en est-il du rôle des autres partenaires extérieurs des Comores quant au règlement de la crise ? J'ai cité la ligue des Etats Arabes, l'Organisation Internationale de la Francophonie et les quelques rares chancelleries en poste à Moroni. Tous, à défaut d'agir dans le secteur du développement des Comores, ont plutôt semblé venir au chevet d'un Archipel durement éprouvé par une transition politique difficile. Chacun de ces acteurs a agi, tout au long du processus de réconciliation nationale aux Comores, soit sans trop d'ingérence dans la souveraineté des Comores soit ils se rangeaient mécaniquement derrière les injonctions de l'Union Africaine après concertation sans formuler en tout cas des propositions concrètes du règlement de la crise comorienne. Ils prenaient néanmoins le soin de participer aux travaux pléniers avec une neutralité et un droit de réserve relatifs. Quand ils devaient exprimer un point de vue aux débats, ils le faisaient à titre indicatif, ce qui a forcé pour certains d'entre eux le respect et l'admiration dans la conscience des Comoriens, à savoir par exemple, la mise en forme et l'élaboration du budget consolidé de l'Union des Comores par les experts de l'Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F) et j'en passe..., ce même appui structurel a été d'un concours précieux à certains égards .Même si tout à fait vers la fin du recours à la force contre Anjouan, certains partenaires se sont laissé bercer par le discours de Sambi pour verser le sang des Anjouanais, ils ne sont donc pas exempts de reproches et de critiques. Mais Franchement, qui de l'Union des Comores, de l'Ile Autonome d'Anjouan et des partenaires extérieurs des Comores peuvent se targuer d'avoir rempli leurs rôles sans bavures ?
Le débat reste ouvert et soulève des graves interrogations. La crise comorienne, qui aura abouti à un règlement militaire à Anjouan, risque de nous interpeller sur d'autres enjeux encore plus essentiels. D'ailleurs, à quelques mois du terme de son mandat à la tête de l'exécutif de l'Union des Comores, son entêtement à vouloir faire un passage en force pour la révision constitutionnelle laisse présager des lendemains sombres sur le devenir des Comores. Le positionnement des partenaires extérieurs des Comores sur cette question sera, à n'en plus douter, des plus pertinents. Mais je redoute fort une démobilisation et une lassitude ambiantes de ces mêmes partenaires des Comores de par l'usure des tensions permanentes aux Comores mais aussi la crise financière internationale qui reste un élément de nature à infléchir leur élan de générosité et de solidarité chères à l'évolution des choses.
La prochaine chronique politique portera sur la responsabilité de la société civile comorienne sur la crise à Anjouan - décembre 2015.
Suite de la chronique
« Les secrets d'une tragédie »
« Sambi-Anjouan ; la sale guerre »
Monsieur Djaanfar Salim Allaoui
Ancien Vice-Premier Ministre des Comores
Ancien Ministre de l'Intérieur de l'Ile Autonome D'Anjouan
Secrétaire Général et Porte-parole de GNEC Rénové
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