lundi 24 août 2015

Rétablir la vérité historique

Le premier journal des Comores .//Contribution au 40eme anniversaire du 3 août 1975 : Rétablir la vérité historique
LE 5 AOÛT 2015.
Depuis quelque temps, un véritable exercice de communication, un travail de pression idéologique et politique, sont engagés pour réhabiliter le «Mongozi», célébrer le «père de la révolution», chanter «l’œuvre rédemptrice» d’Ali Soilihi. Cette pression est devenue tellement forte que personne n’oserait aujourd’hui risquer un son de cloche différent sous peine d’être taxé d’on ne sait quelle hérésie, ou à tout le moins, de «contre-révolutionnaire». Pourtant, contre cette vague déferlante, contre ce courant qui dévale les pentes brisant toutes les résistances, nous osons oser. Nous nous dressons pour aller à contre courant.
Nous allons à contre courant car nous savons que devant ce vent de propagande qui semble emporter tous les esprits, dominer la raison de tous, empoigner le cœur de chacun, beaucoup de ceux qui ont vécu la période d’Ali Soilihi sont sans doute travaillés par le doute, tenaillés par de terribles interrogations, traversés par de larges déchirures dans leurs âmes et leurs consciences.
Tout ce que les pages de l’histoire de notre pays, écrites parfois dans et par le sang de nos compatriotes, entre le 3 août 1975 et le 13 mai 1978, des pages de douleur et de souffrances collectives, des pages de forfaiture et de flétrissure, tout cela est en train d’être effacé à coups d’éponge pour y substituer une vie en rose.
La vérité historique doit être rétablie. C’est un devoir de mémoire que nous nous sentons accomplir en écrivant ces lignes. Qu’importe alors le tollé qui va les accueillir ! Seule la vérité doit compter.
L’histoire de notre pays tient pour irréfragable le fait qu’Ali Soilihi est coupable de deux crimes envers la nation comorienne et le peuple, auxquels on peut ajouter une imposture. Rien, absolument rien ne peut le laver de ces deux actes attentatoires aux Comores et aux Comoriens.
Le 3 août 1975, soit trois semaines seulement après la proclamation unilatérale de l’indépendance, Ali Soilihi renverse les autorités en place et s’empare du pouvoir. Le fait est unique dans l’histoire mondiale. On ne connaît pas d’autre pays au monde où se soit perpétré un coup d’Etat, trois semaines seulement après l’accession à la souveraineté internationale.
Dans le contexte historique du moment, dans les circonstances particulières qui ont entouré la proclamation de l’indépendance, et singulièrement le fort courant séparatiste maorais et le soutien dont il bénéficiait de la part de la France qui ne s’en cachait plus, ce coup d’Etat ne pouvait être autre chose qu’une trahison historique, qu’un coup de poignard dans le dos des Comores. Un crime sans nom dont les conséquences pèsent aujourd’hui encore, lourdement, sur le présent et l’avenir du pays, de la nation et du peuple.
Ce coup de force ne pouvait être compris comme dirigé contre un pouvoir, un régime en place, il était une attaque frontale et brutale contre l’indépendance du pays, contre le pays lui-même. Et en particulier, il ouvrait un large boulevard aux séparatistes maorais pour mettre à exécution leur projet de rupture avec les trois autres îles. On sait, depuis, que c’est par une criminelle naïveté et une soif inextinguible de pouvoir qu’Ali Soilihi a péché.
Les séparatistes maorais dont il était par ailleurs le grand ami et confident, et certains réseaux français avec lesquels il avait depuis des lustres pris langue, lui avaient fait croire que leur hostilité était dirigée uniquement et exclusivement contre la personne d’Ahmed Abdallah et les Verts, et qu’une fois ceux-ci écartés, tout finirait par s’arranger autour d’un verre.
Ainsi fut perpétré le premier crime, inaugurant, le 3 août 1975 de triste mémoire, la longue série de coups et de tentatives de coups d’Etat qui allait jalonner près d’un quart de siècle de l’histoire postcoloniale des Comores.
Dans le sillage de cette forfaiture fut commis le deuxième crime, celui de l’introduction des mercenaires européens dans notre pays. Car, en effet, rien ne peut effacer ce fait honteux et avilissant de l’histoire de notre pays que c’est Ali Soilihi, le soi-disant révolutionnaire, le prétendu mongozi qui a fait appel à Bob Dénard, faisant ainsi, le premier, usage du mercenariat chez nous. Le fait est d’ailleurs fort singulier et digne de mémoire, de voir une révolution passer par le bout du fusil de mercenaires. Affirmer ceci ne diminue en rien la terrible responsabilité des douze ans de présence de ces affreux sur notre sol national, sous Ahmed Abdallah, le tombeur et successeur in dictature d’Ali Soilihi.
L’un et l’autre paieront cette alliance avec le diable en personne au prix fort, puisque le même ami Bob Dénard retournera le fusil contre ll’un le 29 mai 1978 et l’autre le 6 novembre 1989.
Ces deux crimes, le coup d’Etat du 3 août 1975 et l’introduction des mercenaires dans notre pays, resteront à jamais des chapitres des plus sombres de l’histoire contemporaine des Comores.
La conscience nationale ne peut accepter que devant ces crimes incommensurables soient avancés et mis en balance des arguments incroyables du genre : «la viande coûtait moins cher», ou alors «des moudirias» ont été construits, etc.
Certes des moudirias ont été construits, mais qu’est-ce cela devant l’intégrité territoriale du pays ? Certes de la viande coûtait moins cher, mais qu’est-ce cela devant le crime qu’est l’introduction des mercenaires dans notre pays ? (Dans notre prochaine édition la suite de cette contribution)

Mohamed Abdou Soimadou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire