mardi 25 août 2015

Sambi-Anjouan : Omerta sur une sale guerre (suite)


Chronique ; « Les Yeux dans les Yeux »

Monsieur Djaanfar Salim Allaoui
Ancien Vice-Premier Ministre des Comores
Ancien Ministre de l'Intérieur de l'Ile Autonome D'Anjouan
Secrétaire Général et Porte-parole de GNEC Rénové

Thème : Les secrets d'une tragédie
Je fais suite aux dessous et aux non-dits de la crise anjouanaise, une crise provoquée de toutes pièces par Sambi et dont les motivations de ce dernier portaient en sa folie meurtrière d'affirmer son autorité quitte à faire couler le sang à Anjouan et par la suite à Mohéli afin de se maintenir durablement au pouvoir, peu lui importe de savoir l'impact de la tragédie humaine.

Pour rappel, le contentieux Sambi-Anjouan demeure purement électoraliste donc politique, aussi, peut-on se demander s'il n'était pas plus sage d'avoir recours à un règlement politique plutôt qu'à une action militaire contre Anjouan. La question mérite d'être toujours et à chaque fois posée et nous allons à nouveau et toujours nous attarder dans les développements à venir sur tous les aspects factuels de cette crise afin d'évaluer les responsabilités et les manquements des différents acteurs de la crise anjouanaise.

4. Du report de l'élection présidentielle du 10 juin 2007 uniquement à Anjouan
Après avoir été un témoin privilégié de ce feuilleton de mauvais aloi, l'envoyé spécial du Président de l'Union Africaine bien qu'aligné aux caprices sonnantes et trébuchantes de Sambi, s'est tout de même rendu à Anjouan le 07 juin 2007 accompagné d'une délégation de toutes les chancelleries en poste à Moroni pour évaluer avec l'autorité d'Anjouan la situation sur place. Au terme de sa mission de travail à Anjouan, Monsieur Francisco Madeira a ténu à faire le point de la situation au gouvernement intérimaire siégeant à Anjouan, Monsieur Francisco Madeira a avoué en présence des chancelleries reconnaitre que les conditions étaient réunies et a formellement soutenu le calendrier électoral préalablement établi. L'élection des présidentielles des îles, de la bouche du diplomate mozambicain est donc maintenue pour le 10 juin 2007 et le deuxième tour le 24 juin 2007 dans l'ensemble du territoire national en application de l'article 80 du code électoral et du décret portant convocation du collège électoral signé du Président de l'Union des Comores, Sambi lui-même.
Il convient par ailleurs de rappeler que pour ce qui relève du report d'un scrutin, les organes de gestion des élections à savoir la commission électorale nationale indépendante (CENI) et ses structures représentatives dans les îles ne détiennent aucun pouvoir exclusif pour sanctionner le déroulement d'un processus électoral. Ces structures ont comme mode opératoire la stricte application de leurs délibérations propres découlant de leur assemblée générale conformément aux textes en vigueur. Il faut par ailleurs noter que tout avis sur une quelconque appréciation du déroulement des opérations de vote lié aux élections n'est valable que s'il est donné en observant scrupuleusement les dispositions 06 et 15 du règlement intérieur de la CENI lorsqu'on sait l'impact et la portée aussi graves que risqués d'un report d'un scrutin. En effet, la demande de report du scrutin du 10 juin 2007 uniquement à Anjouan aurait pu être envisageable de part la seule association des deux facteurs ;
→ La violation des articles 06 et 15 du règlement intérieur de la Commission Electorale Nationale Indépendante et de la Commission Insulaire aux Elections (C.I.E)
→ L'impossibilité de tenir l'élection en application des dispositions de l'article 80 du code électoral comorien qui dit ceci, je cite « ...le scrutin des présidentielles des Îles se déroule en un seul jour sur l'ensemble du territoire de l'Union des Comores... » Fin de citation. Outre cela, il convient de souligner que le décret de report de Sambi dans le fond et dans la forme soulève 2 préoccupations majeures ; l'avis du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) n'est pas conforme au règlement intérieur de la structure suscitée notamment en ces articles 06 et 15 qui exigent une délibération en assemblée générale. Enfin le champ d'application imposé par le décret de report N°07∕099∕P.R du 07 juin 2007 est en violation flagrante des dispositions de l'article 80 du code électoral dès lors que ledit décret reste limité sur l'Île d'Anjouan exclusivement.

Le scrutin du 10 juin 2007 à Anjouan tout comme dans les autres îles sœurs s'est d'un point de vue juridique articulé autour des supports documentaires de base tels que la constitution de l'Union et les lois fondamentales des Îles Autonomes de Ngazidja, de Mohéli et de Ndzouani ainsi que les autres textes règlementaires et consensuels en vigueur depuis l'accord de Fomboni-Mohéli. L'organisation de l'élection présidentielle à Anjouan et son déroulement jusqu'à la proclamation des résultats ont obéi à l'ensemble des textes s'y afférent, la supervision et le contrôle du scrutin ayant été assurés par les instances électorales habilitées à savoir la C.I.E Anjouan et les délégués de la CENI en mission à Anjouan pour la circonstance. Les résultats électoraux ont été transmis conjointement par le secrétaire administrative permanent et la commission insulaire aux élections à qui de droit.

5. De la crédibilité et de la sincérité du scrutin du 10 juin 2007
L'organisation de l'élection présidentielle du 10 juin 2007 à Anjouan a puisé son fondement juridique des textes constitutionnels, législatifs, règlementaires et consensuels en vigueur pendant la période intérimaire à savoir ;
→ Le décret portant convocation du collège électoral du 10 juin 2007 pris par le Président de l'Union des Comores en violation de l'article 20 de la loi fondamentale de l'Île Autonome d'Anjouan,
→ L'accord dit de Dar-Nadjah, texte consensuel en date du 11 Mai 2007,
→ Compte rendu du rapport d'évaluation sur le déroulement de la campagne électorale à Anjouan de l'envoyé spécial du Président de la commission de l'Union Africaine, Monsieur Francisco Madeira,
→ Le règlement intérieur de la CENI et la CIE Anjouan en référence aux articles 06 et 15.
Enfin la publication des résultats électoraux à Anjouan s'est faite sur la base des textes réglementaires en cours dans l'Union des Comores. Et comme le prévoit le code électoral comorien, les résultats de l'élection ont été transmis d'office, par ailleurs, au ministère en charge des élections pour information. Ce qui a fait la particularité de ce scrutin à Anjouan réside en la surmédiatisation perverse orchestrée par Sambi, sa démarche dans le négationnisme de cette élection visait personnellement le Président Mohamed Bacar, sa volonté avouée de le faire passer pour un usurpateur, un séparatiste voir même un rebelle relève de sa propension à faire de Bacar un danger capable de nuire sérieusement au processus de la réconciliation nationale aux Comores.

Sambi avait tout mis en œuvre pour donner à l'opinion publique une image négative d'Anjouan et de ses autorités. Aussi, le scrutin du 10 juin 2007 a servi de prétexte à cela. Le talent de simulateur, de show-biz et de propagandiste propres aux intégristes de formation comme l'est Sambi de part son parcours ne sont plus à démontrer. A ce sujet, une question m'a toujours hanté ; comment se fait-il que les chancelleries en poste à Moroni, pourtant habituées à ces personnages foncièrement hypocrites, pourris jusqu'à la moelle épinière ont pu, envers et contre tout, se laisser piéger de la sorte ? Les chancelleries, dans ce cas précis, étaient-elles trop laxistes ou trop aveugles ? Il faut se dire que hormis l'Afrique du sud les autres pays n'ont pas pu venir Sambi avec ses grands sabots.

Sur le front de l'enjeu électoral lui-même les organes de gestion n'auront relevé aucun foyer de tension durant la journée de l'élection qui s'est déroulée dans la sérénité, la transparence et le calme. Il faut rappeler si besoin est que l'absence de contrôle des opérations de vote de certains candidats incombe sur leur propre responsabilité et il convient de signaler qu'en matière de retrait de candidature, il existe des procédures et des délais de retrait à respecter. Enfin de compte Sambi dans sa course effrénée à vouloir à tout prix imposer l'épreuve de force à Anjouan a fini par commettre l'irréparable en faisant virer le Président de la cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays. Est-ce parce que ce dernier a été désigné par le Président Bacar pour représenter l'Île Autonome d'Anjouan au sein de cette noble institution ? Ou est-ce parce que le Président de la cour constitutionnelle résistait aux injonctions de Sambi ? Cette nouvelle escalade, une de plus, a suscité émotion et sentiments d'injustice et de discrimination à l'endroit de la partie anjouanaise. Le ton était donné et tous les coups, même les plus infâmes étaient permis. Cette décision de révocation du juge des juges a été irrémédiablement un des tournants fatidiques de la discorde.

Il faut reconnaitre que Sambi était prêt à tout pourvu qu'il déboulonne le Président Bacar car ce dernier était tout sauf une marionnette, ce qui en soit, avait le don d'exaspérer au plus haut degré le non moins totalitaire Sambi. Aujourd'hui avec le recul, l'on ne peut que se rendre compte du but recherché à la tête de l'Île d'Anjouan, Sambi a fait « élire » un président dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est le plus béni-oui-oui que les Comores ont eu à supporter. Il s'était agi du fantasmagorique Moussa Toyb, c'est tout juste si l'on s'était rendu compte de son existence, en fait le vrai Président d'Anjouan était Sambi lui-même. La crise de confiance entre les deux exécutifs ; Union et Anjouan, le flottement et le jeu d'approximations des chancelleries étrangères basées à Moroni à l'exception de l'Afrique du Sud, ont permis d'asseoir les prémices d'un conflit d'approche par l'affaiblissement des institutions comoriennes et les rivalités interpersonnelles.

Suite de la chronique
« Les secrets d'une tragédie »
« Sambi-Anjouan ; la sale guerre »

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