vendredi 17 juillet 2015

Mohamed ZEINA : DE LA CHAMBRE DES DEPUTES DES COMORES AU SECRETARIAT GENERAL DU C.R.I.F.


En cette fin du mois sacré du Ramadan, ma pensée va à celui qui, il y a une vingtaine d'années a permis à la France d'harmoniser les dates du début et de la fin du mois sacré des musulmans, mettant fin aux multitudes de fêtes. Entre l'Aid des Algériens, incarnée à l'époque par la Grande mosquée de Paris, l'Aid des Marocains incarnée par l'UOIF et les autres qui s'alignaient sur leurs pays d'origine, le désordre était flagrant.

En 1991, Michel Rocard, Premier Ministre de la France, considérant l'importance de la question des cultes dans la société française, a décidé de créer le CORIF (Conseil de Réflexion sur l'Islam en France). Cette structure est placée sous la présidence du Ministre de l'intérieur. Le secrétariat général est confié à Mohamed ZEINA.

Cet autodidacte, qui ne doit sa carrière qu'aux concours internes de la fonction publique, était cadre au ministère de l'intérieur, chargé de la direction internationale de la sécurité civile. Il coordonnait les aides françaises et l'envoi du personnel de la sécurité civile, partout où il y avait des cas de calamités. Aujourd'hui à la retraite, il aura marqué cette nouvelle responsabilité par la création de la marque Halal en France, l'introduction des repas Halal dans les cantines scolaires, le quatrième repas halal pour les militaires.

Il a réussi à sauvegarder les bonnes relations entre la France et l'Algérie sur la question de la gestion de la mosquée de la Place Monge. En effet Paris a signé avec ce pays, en 1946, une convention qui lui confère la nomination des recteurs.

Mohamed Zeina, est un des députés comoriens, qui, le 6 juillet 1975, ont voté l'indépendance des Comores. Après le coup d'état du 3 Août 1975 il se démarquera de ses amis du parti Vert, parce qu'ils ont refusé de suivre ses recommandations pour arrêter Ali Soilihi à son retour de France. Il devient directeur de cabinet de Salim Hadj Himidi au ministère de l'intérieur et de la décentralisation en 1976. Après la dissolution du gouvernement qui a vu la disparition des ministères, il quittera les Comores en même temps qu'Ali Mlamali, pour Madagascar, avant de regagner Paris en 1977. Une fois en France, il a sollicité et obtenu sa réintégration à la fonction publique en qualité d'administrateur civil, par décret du premier ministre Raymond Barre, fonction qu'il a occupée aux Comores, avant de devenir député en 1968.

Son action au sein du CORIF, sous l'égide de Pierre JOXE, puis de Paul QUILES lui a valu la reconnaissance du Président français François MITTERRAND. En janvier 1992, lors d'une conférence au centre des Hautes Études sur l'Afrique et l'Asie Moderne à Versailles, il a esquissé à travers l'exemple des Comoriens de France, les bases de ce que les autorités françaises devaient éviter pour ne pas sombrer dans l'islamophobie alors même que la Révolution était en cours en Iran et que la guerre du Golf se profilait à l'horizon. Il a dit en substance : « ... l'islam, l'une des grandes religions qui a contribué aux progrès de la science, de la technique, de la civilisation et de l'humanité, qui apparaît aujourd'hui comme synonyme de fanatisme, de ferment d'instabilité politique et de régression sociale. Cette vision réductrice et potentiellement mobilisatrice, altère bien évidement l'image de l'immigration en France, qui, je vous le rappelle regroupe 3,5 millions de musulmans ».

Cette approche lui vaudra auprès de ses amis du RPR, dont il fut membre du bureau politique et membre fondateur, un certain isolement. Ceci, d'autant plus, qu'il habite dans le département des Hauts de Seine dont Charles PASQUA, est le patron. Pour mémoire, c'est ce Charles PASQUA qui, avec Pierre MESSEMER, Bernard PONS sous la houlette de Michel DEBRE, animaient le lobby anti-Comores et partisans très actifs du démantèlement des Comores.

De la confiance tissée avec la présidence de la République française, il sera son émissaire attitré dans plusieurs pays du Golf.

Convaincu du bien- fondé du rôle des musulmans en France, MITTERRAND choisira la ville, où il a été longtemps Maire, Château Chignon, pour abriter l'Institut Européen des Hautes Études des Sciences Humaines, seule école à former des Imams en France. C'est à Mohamed ZEINA qu'est revenu l'honneur de présider la cérémonie d'ouverture, rehaussée par la présence du Grand Moufti du Quatar, Abdallah Khardaoui et du ministre saoudien des universités, Mouhsine Tourqui. L'Afrique noire était représentée par nourdine Mohamed Toiouilou et Mohamed El Kabir.

En 1993, la France le désignera comme Chef de Délégation, à la place de Rollad Dumas, ministre des Affaires étrangères, à la Conférence sur l'Art Musulman organisé par le gouvernement comorien et l'ISESCO à Moroni sous la présidence de Said Mohamed Djohar.

A son retour, alors que les méfaits de l'instauration du visas Balladur, commençait à se sentir, Mitterrand décide de lui proposer comme Préfet de Mayotte. Une manière de lui mettre en pot à faux avec ses amis du RPR, notamment Charles PASQUA qui était son patron au ministère de l'intérieur. Lors d'un échange de vue sur la question avec Bernard BOUQUET chargé des collectivités, Mohamed ZEINA évoqua qu'il ne pouvait accepter ces fonctions car il fut député des Comores au moment de la proclamation de l'indépendance et que Mayotte en fait partie. Colère de PASQUA pour ce rappel l'ordre, mais satisfaction au fond, car il lui a tendu une perche pour s'opposer à la nomination. Il justifiera son refus auprès du Président, par un manque budgétaire. Mitterrand, non convaincu de la raison évoquée, lui a nommé Préfet Hors Cadre.

Si son œuvre au sein du CORIF est peu connu des Comoriens, il est pour les Musulmans de France, une référence en la matière, depuis son discours au premier rassemblement de l'UOIF au Bourget où il remplaçait le ministre de l'intérieur français Paul Quilès.

Il a annoncé :
- la création des organisations auprès des mosquées de Paris et Lyon, certificatrices de la viande Halal pour financer les lieux de cultes musulmans en France et leur fonctionnement,
- la création de carrés musulmans dans les cimetières de France,
- la présence d'imams à Météo France pour déterminer le début et la fin du ramadan.
- L'obligation pour les Imams venus de l'étranger de parler français.

Il était accompagné à ce grand rassemblement par d'autres personnalités du CORIF comme l'Ambassadeur d'Algérie en Arabie Saoudite, M.Tajine Adame, le colonel Chabaga de Villeurbanne, M. LEMON directeur de la caisse de dépôt et consignation et Mohamed Halil Moufti de Marseille.

Lorsque les éditions Rameau ont invité Ahmed DIDATE, un sud africain, pour une conférence à Paris et que PASQUA l'a expulsé à son arrivée à Roissy, alors qu'il avait un visa, Mohamed ZEINA a exigé et obtenu du gouvernement français, des excuses à son endroit et au gouvernement sud africain désavouant ainsi l'excès de zèle du ministre PASQUA.

Après les événements de janvier 2015, l'actuel ministre Bernard Cazeneuve, l'a reçu pour une audience de près d'une heure, afin de réexaminer les voies et les moyens, de remettre à plats ses recommandations abandonnées par la droite, au moment où Nicolas Sarkozy a décidé de dissoudre le CORIF pour le remplacer par le Conseil Français du Culte Musulman. Au cours de cette rencontre la question de la pratique par la communaute comorienne, a été évoqué et un message particulier a été adressé à la communauté comorienne.

A tous les Musulmans de France, des Comores et du monde, bonne fête Aïd El Fitr. Que cette fin du ois de Ramadan ouvre de nouvelles perspectives pour la paix en France et dans le monde, que la cohésion soit la règle dans une société française apaisée dénuée de ces fondamentalistes qui poluent la bonne marche de la société.

Paris le 16 juillet 2015



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