Comores : la Patrie Reconnaissante.
En regardant la télévision française cette semaine, je suis sidéré de la manière dont les français se sont mobilisés pour l'entrée au panthéon de 4 figures de la résistance ! Je me suis demandé pourquoi dans notre pays, les gens préfèrent honorés le vide patriotique parce qu'il est des leurs, au détriment des faits et réalités historiques ?
Au lendemain de ma première visite du poulailler Fatma, qui se trouvait à la coulée de lave, M. Ambidine, un notable d'Itsandra, me demanda si je connaissais l'histoire du propriétaire de la ferme. Il s'appelait Saïd Youssouf Gamal. En 1963, il a interpellé le gouvernement comorien pour déclarer l'Indépendance, à l'instar de tous les autres états africains. Il fut immédiatement expulsé du pays, avec perte de sa nationalité française. Il est renvoyé en Tanzanie où il a continué son combat en créant avec Abdou Bacar Boina et autres camarades, le Mouvement de Libération Nationale des Comores (MOLINACO). Il s'est finalement réconcilié avec Cheikh et a fini par retrouver sa famille à Mitsamiouli .
Certes, avant lui, le Prince Saïd Ibrahim, avait milité dans les années 50 pour l'indépendance totale, mais pour lui, c'était une autre paire de manche. D'ailleurs, cette partie de la vie du prince, est très méconnue. Bien que le parti PEC, fut la première formation à avoir appelé pour l'indépendance totale, et que ses idées avaient triomphé, les Comoriens, eux, n'ont retenu de cet Homme, que la fameuse phrase, prononcé en 1971, où il demandait aux indépendantistes du PASOCO de mettre de la glace sur la tête. Personne n'a évoqué le triomphe de ses idées notamment à Mayotte, où plus de 60% des votants lors du référendum de 1958, se sont prononcés en sa faveur .
Certes, notre pays est de tradition orale, mais diable, pourquoi cette tradition ne reflète pas la réalité historique ? Qui aujourd'hui, est capable de raconter les raisons qui ont poussé Massimou, Mtala et Hamadi Patiara, à payer de leur sang, la confrontation avec l'armée coloniale ?
Qui connaît les raisons qui ont poussé Mouzaoir Abdallah, président de la Chambre des députés, à se retirer du perchoir, en plein combat à Paris, sur la ratification du référendum du 22 décembre 1974? Qui peut citer une phrase des interventions de nos parlementaires, Mohamed Ahmed, Mohamed Dahalani et Saïd Mohamed Djaffar au palais Bourbon ou au palais du Luxembourg durant cette période cruciale, alors qu'ils se sont battus corps et âmes, contre la ferveur coloniale des élus français ?
Qui connaît les raisons profondes qui ont poussé Ahmed Abdallah Abdérémane, devenu président de la République, le 6 juillet, à refuser la proposition des députés Mohamed Zeïna et Ali Abdallah Himidi, de procéder à l'arrestation d'Ali Soilihi, à son retour au pays après sa déclaration sur RFI, du 7 juillet 1975 : « je suis hostile à toutes les décisions du parti vert, dont pour moi, Ahmed Abdallah est le symbole » ? Ce qui sans aucun doute, aurait pu éviter le coup d'état du 3 août .
Qui connaît Jack COMBO ou Bombay Jack ? Ce premier Ambassadeur d'un pays africain, en l'occurrence les Comores, en Europe au XIX ème siècle, avec résidence à Pretoria ? Ce grand homme qui, pourtant, a été, à l'initiative des premiers Accords de Défense, entre les Comores et l'Angleterre, ayant permis d'arrêter, les razzias malgaches. Il a négocié les invitations des gouvernements français sous Louis Philippe et anglais, pour deux visites officielles du sultan des Comores Saïd Hamza.
Qui sont SELIM Karihila et Soilihi Mdachi, dans l'histoire de notre pays ? Ils ont pourtant représenté les Comores à la conférence de Berlin, qui a fixé les frontières actuelles des états d'Afrique. Ils ont défendu et obtenu la reconnaissance des Comores en tant qu'état libre et indépendant .
En regardant un jour l'ORTC, le professeur Hamdani, un historien et animateur de l'émission sur l'histoire, a évoqué le consensus des sultans d'Anjouan et le Tibet de Ngazidja, en vue du mariage du Sultan de Zanzibar avec la reine de Mohéli, Djumbé Fatima. Par d'autres archives, on apprend que ce mariage a été envisagé, pour répondre aux recommandations de la conférence d'unir les Comores et Zanzibar, en vue de former un seul état .Comores : la Patrie Reconnaissante.Il revenait au au prince héritier de Zanzibar, Ali Bin Hamud Bin Muhammad Bin Saïd, de père Omanais, Sultan de Zanzibar, et de mère comoro-zanzibarit. Sa mère serait originaire de la ville d'Iconi, Le futur sultan, suivait son enseignement à Londres, lorsque la France, avec la complicité de l'Angleterre, a décidé de faire fi à la recommandation de la conférence de Berlin. Ils se sont partagés le nouvel état en deux colonies : Zanzibar pour l'Angleterre et les Comores pour la France. C'est alors que pour parachever leur plan diabolique, le jeune sultan est enlevé à Londres, pour rester prisonnier, mais libre de ses mouvements, à Montmartre, jusqu'à sa mort le 20 décembre 1918. Il a néanmoins bénéficié des funérailles d'un souverain, et a été enterré au cimetière Père La-chaise à Paris.
La liste est longue, n'étant pas historien, d'illustres noms, qui ont émaillé notre histoire, échappent à mes humbles connaissances.
Au regard de ces faits contemporains, bâclés par des révisionnistes, qui reprennent en chœur la pensée coloniale, il est temps d'apprendre les faits historiques qui sont notre patrimoine, pour prétendre un jour, voir émerger une classe politique, soucieuse du destin du pays.
Si tel n'est pas le cas, personne ne va se décarcasser pour le bien être d'un peuple aveugle, sourd-muet, qui ne s'intéresse qu'à l'héroïsme de ses bourreaux ? A moins d'un miracle, qui ferait intéresser à des jeunes bradés de leurs diplômes, capables de se défendre dans le monde crucial du chômage des pays dits développés, à accepter de se réduire aux rangs des guetteurs des portes de l'administration comorienne.
Devant ce défi honorable, il est peut être temps, que les gens épris de dignité et de bienveillance républicaine, militent pour la construction d'un grand monument en la mémoire et à la gloire de nos héros, à commencer par ceux qui nous ont rendus notre liberté, puis ceux qui ont travaillé pour cette cause, ensuite, ceux qui ont combattu pour le respect de la dignité comorienne.
A partir de là, le pays aura des référents incontestables, un modèle républicain et intègre, et prendra son envol. « LA PARTIE RECONNAISSANTE » deviendra alors une marque de fabrique de nouveaux citoyens, dignes d'être comoriens.
La justice trouvera toute sa place, l'efficacité son rôle, chacun ferait de son mieux pour que la corruption s'éloigne de notre quotidien. La nation sortirait grandie et fière de ses héros . L'inscription sur ce monument, serait comme la nomination d'un saint. Les faits et rien que les faits avérés de notre histoire, qui ont fait de nous, ce que nous sommes, à savoir des hommes libres, armés pour affronter les méandres de ce monde sans pitié.
Ce monument, s'il devait voir le jour, serait bien placé au milieu de la place de l'indépendance, quitte à ce que le « Maoulid « se déplace au stade « AJAO ».
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