mercredi 16 septembre 2015

COMORES / MOHAMED BACAR : Némésis ou la réconciliation introuvable.



Aux Comores, les temps sont au révisionnisme historique. L'inversion des valeurs aidant, il inspire toutes les velléités de manipulation politique. Il en est ainsi de la réconciliation nationale, vernis commode qui habille les basses manœuvres destinées à assurer le retour annoncé du cColonel Mohamed Bacar.

Une génération de politiciens cyniques et véreux revisite en ventriloque l'Histoire pour attribuer au président Saïd Mohamed Cheikh la paternité du transfert de la capitale de Dzaoudzi à Moroni, malgré les travaux sérieux d'historiens non moins sérieux qui battent en brèche cette allégation.

Dans une symétrie nauséeuse, les mêmes présentent l'ancien président du Conseil comme le fossoyeur de l'unité nationale, cependant que le colonel Mohamed Bacar, ancien chef d'un exécutif insulaire violemment séparatiste, est hissé sur le pavois de la vertu patriotique.
Pour rappel, les conclusions du rapport 2008 de la FCDH (Fédération Comorienne des Droits de l'Homme), établissent que de multiples et graves violations des droits de l'Homme ont été commises sous la responsabilité directe du colonel Mohamed Bacar.

Ce rapport fait en outre état de la crainte exprimée par les victimes que les multiples exactions ainsi relevées demeurent impunies, malgré des témoignages accablants notamment sur des cas avérés de viols et de tortures, recueillis en présence de députés de la précédente législature, Mohamed Djaffar et Attoumane Allaoui Andoudou entre autres.

A la lumière de la propagande menée tambour battant par les idéologues de Beit-Salam dont le médiocre horizon se limite à 2016, force est de constater que les victimes ont hélas eu raison : le pouvoir actuel s'emploie à administrer une lecture idéologique qui place sur la même échelle victimes et bourreaux, avec son corollaire d'abus de l'oubli, glissant dans une rationalité purement finaliste et stratégique visant à prendre le pas sur une rationalité de la valeur dans laquelle les victimes obtiendraient réparation.

Toutes les politiques de réconciliation nationale menées dans les pays où ont été perpétrées de graves atteintes à la dignité humaine, sont d'abord fondées sur la recherche de la vérité. Le rapport final sur la question de l'impunité des auteurs de violations des droits de l'Homme (droit civil et politique), approuvé en 1997 par la Commission des droits de l'Homme de l'Onu considère le devoir de mémoire comme essentiel : le droit des victimes à savoir la vérité des faits, vise à « éviter que dans l'avenir se reproduisent les violations » aux droits fondamentaux de la personne. Ainsi, « la connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l'Etat. Ces mesures ont pour but de préserver de l'oubli la mémoire collective, notamment pour se prémunir contre des thèses révisionnistes et négationnistes ».

Si le gouvernement était réellement mû par la volonté de travailler à une véritable réconciliation, il aurait agi autrement : une commission d'enquête inclusive, eût été par exemple mise en place, dans laquelle prendraient part des parlementaires, la société civile, notamment la FCDH, des représentants du pouvoir comme de l'opposition, etc., pourquoi pas sous le regard vigilant d'institutions internationales dont l'expertise et le soutien financier en garantiraient l'impartialité et la rigueur.

Outre que la protection du colonel Mohamed Bacar serait ainsi assurée, mais on sortirait d'une logique de vengeance au profit d'une justice sereine dont la formule reste à inventer : Pardon collectif? Amnistie parlementaire? Par respect pour les victimes, la vérité d'abord. La justice puis la réconciliation ensuite, sur la base d'un schéma à définir.

"Hairi Msindre Mwendza A'kili Raha Na Mwandzani Mjinga" : Mieux vaut un adversaire intelligent qu'un idiot d'allié. Beit-Salam et ses idéologues se comportent selon la deuxième alternative de cette maxime bien connue des Anjouanais. Et pour cause, toutes leurs manœuvres font en réalité peu de cas du sort du colonel Mohamed Bacar, davantage des supposées retombées politiques à court terme d'une aventureuse entreprise destinée semble-t-il à déstabiliser le président Sambi à Anjouan.

Le pouvoir actuel a pourtant disposé d'une pleine mandature pour faire oublier l'ancien président, grâce notamment à des réalisations notables qui auraient amélioré la vie du comorien. Mais son piteux et chétif bilan commence à avoir raison de la légendaire patience du peuple comorien et pousse l'écrasante majorité des laissés-pour-compte à réclamer le retour de la coalition autour de l'ancien président Sambi.

La représentation nationale ainsi que les organisations de la société civile, surtout la FCDH, doivent en urgence s'approprier la question, sans quoi Beit-Salam, dans un tragique oxymore, nous conduira non pas à la consolidation de la paix mais à une discorde qui ne dit pas encore son nom mais dont on imagine déjà les conséquences. Le triomphe des démagogies est certes passager, mais leurs ruines sont éternelles".


Kaissi Abdallah
S G du PEC section Bordeaux
Source (sans la photo) : lagazettedescomores

COMMENTAIRE WONGO :
Pourquoi la France a-t-elle refusé l'asile politique à BACAR ?

La Cour a exclu du bénéfice des dispositions protectrices de la loi, l'ancien président d'Anjouan, Mohamed Bacar. Le dossier établissait que des membres des Forces armées anjouanaises (FGA), se sont rendus coupables d'exactions contre la population civile sous son régime et que parmi les violations des droits de l'homme constatées, figurent des actes de tortures, d'arrestations et de détentions arbitraires, d'exécutions extrajudiciaires, d'atteinte à la liberté d'expression et de penser, des extorsions d'argent, de saccage et de l'usage d'armes à feu contre des civils ; qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le requérant, en raison de ses fonctions de chef d'État et de chef des FGA, s'est rendu coupable, en les couvrant de son autorité, d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies (CNDA, 3 décembre 2008, 629222, Bacar) source : conseil d'Etat français (http://www.conseil-etat.fr/content/download/1591/4801/version/1/file/rapport_public_2009.pd)

CNDA, 3 décembre 2008, 629222, BACAR

Considérant que les pièces du dossier et les déclarations faites en séance par le conseil du requérant permettent de tenir pour établi que M. B., qui est de nationalité comorienne, a été nommé commandant de gendarmerie à Anjouan en juillet 1997, puis commandant en chef de la gendarmerie d'Anjouan en août 1997 ; qu'il a conservé ses fonctions durant le mandat du Président Abeid, élu en août 1999 ; qu'il a participé à un coup d'Etat contre le Président Abeid en août 2001 ; qu'il a pris la tête de l'île d'Anjouan le 25 septembre 2001 ; qu'il a procédé à la fusion des forces de sécurité d'Anjouan en FGA ; que le 31 mars 2002, il a été élu Président d'Anjouan au premier tour ; qu'il a créé un cabinet militaire qu'il a placé sous les ordres de son frère, le lieutenant-colonel B., ainsi qu'une Garde présidentielle organisée par le sous-lieutenant Omar Absoir ; qu'au terme de son mandat présidentiel, fin avril 2007, un président intérimaire de l'autorité anjouanaise a été nommé par la Cour constitutionnelle le 10 mai 2007 dans l'attente de nouvelles élections ; qu'il s'est alors consacré à sa campagne électorale ; que les élections présidentielles sur l'île d'Anjouan ont été maintenues à la date du 10 juin 2007 malgré la décision de report des élections prise par le Président de l'Union des Comores, M. Ahmed Abdallah Sambi ; qu'il a été réélu Président d'Anjouan dès le premier tour ; que le scrutin des élections présidentielles a été contesté par le Président de l'Union des Comores ainsi que par l'Union africaine ; qu'en raison de la détérioration de ses relations avec le Président de l'Union des Comores, il a renforcé la sécurité du territoire d'Anjouan dans le but de résister à d'éventuelles attaques de l'AND ; qu'il a été menacé par le Président Sambi d'un débarquement de l'AND à Anjouan mais n'a toutefois pas prêté attention à cette menace ; que le 25 mars 2008, il a appris par le Chef de la Sécurité, le sous-lieutenant Omar Absoir, que les bombardements d'une coalition de l'AND et des forces de l'Union africaine contre l'île d'Anjouan avaient commencé ; qu'il a, de ce fait, été contraint de quitter sa résidence de Barakani, sous la protection des membres de sa garde présidentielle, pour fuir vers le sud de l'île, à Chiroroni ; que le 26 mars 2008, il a pris place à bord d'une embarcation à moteur à destination de Mayotte ; que depuis son départ, des membres de sa famille ainsi que ses proches ont été inquiétés, arrêtés et victimes d'exactions ; que le Président de l'Union des Comores a demandé à la France son extradition afin de le juger notamment pour crime de guerre ; Considérant, en premier lieu, que les craintes de persécution exprimées par le requérant en cas de retour aux Comores, pays où la peine de mort est toujours en vigueur, en raison d'une part des accusations portées à son encontre par le Président de l'Union des Comores qui souhaite le traduire en justice et, d'autre part, des exactions dont sont victimes des membres de sa famille et des personnalités de son régime peuvent être tenues pour fondées ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er F de la convention de Genève : « les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser (...) : c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser : (...) c) qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ; ... » ; qu'il ressort de l'instruction et de la documentation consultée que des membres des Forces armées anjouanaises, et en particulier 44 Forces de la gendarmerie d'Anjouan, 91 des membres de la garde présidentielle, se sont rendus coupables d'exactions contre la population civile sous le régime de B. ; que ces exactions ont par ailleurs été plus fréquentes et plus violentes à partir de 2007, après l'élection de M. Ahmed Abdallah Sambi à la présidence de l'Union des Comores et le vote de sanctions de l'Union africaine, puis en février 2008, suite aux premières annonces de débarquement de l'AND ; qu'elles ont visé notamment des civils anjouanais suspectés de soutenir les autorités de l'Union des Comores et l'intervention armée de celle-ci ; que parmi les violations des droits de l'homme constatées, figurent les actes de tortures, d'arrestations et de détentions arbitraires, d'exécutions extrajudiciaires, d'atteinte à la liberté d'expression et de penser, d'extorsions d'argent, de saccage et d'usage d'armes à feu contre des civils ; qu'il ressort également de l'instruction que les déclarations faites par l'intéressé devant l'Office se sont révélées très évasives, peu crédibles et en contradiction avec les informations en possession de la Cour, s'agissant de la situation sécuritaire de l'île d'Anjouan et du rôle des FGA et de la garde présidentielle, notamment au regard des exactions commises sous son régime ; qu'en mettant ainsi en avant la stabilité politique de l'île d'Anjouan et le respect des droits de l'homme, en niant tout abus de son régime et toute implication des forces de sécurité dans la commission de violations des droits de l'homme, l'intéressé a manifestement tenté de minimiser ou de dissimuler une part significative des activités des forces de sécurité ainsi que sa responsabilité dans la commission d'exactions par ces dernières ; que dès lors, il existe des raisons sérieuses de penser que le requérant, en raison de ses fonctions de chef d'Etat et de chef des FGA, s'est rendu coupable, à tout le moins en les couvrant de son autorité, d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies au sens des stipulations précitées de l'article 1er, F, c de la convention de Genève et des dispositions précitées du c) de l'article L 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu dès lors de l'exclure du bénéfice des dispositions précitées ; ...(Rejet).

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