vendredi 12 septembre 2014
COMORES / Des morts en kwasa : Un déni organisé
COMORES / Des morts en kwasa : Un déni organisé
Des morts en kwasa, on ne dit plus qu'il y en a eu encore. Pour éviter l'indécence des chiffres de cette indifférence organisée par les Etats français et comoriens. Il y en a eu un, de naufrage, ce week-end, pourtant. Deux kwassa, au large de Jimlime. Quinze disparus, et un silence assourdissant de la part des autorités.
Les deux kwasa seraient partis de Ouani, à Anjouan, ce week-end du 6-7 juin 2014. Avec 23 passagers à leur bord, dont 9 semblent avoir été retrouvés. Tout autour, le silence, pesant. Personne pour en causer. A Bazimini, d'où seraient originaires certaines victimes, le maire, selon un journaliste d'Al-Watwan, ne se refuse pas seulement à en parler. Il nie jusqu'aux faits. Car la tragédie du Visa Balladur a ceci de particulier qu'elle permet à tous de s'asseoir sur la mémoire de ces morts. Le déni est une chose complexe, dès lors qu'un peuple, dans son ensemble, admet de fermer les yeux sur sa déchéance organisée.
Hollande est passée à Moroni il y a trois semaines. Les membres de la société civile comorienne ont hurlé de toutes leurs forces, caricaturant leurs vieilles manières au plus près, sans rien perturber au jeu. Autrement dit, ils ont rappelé les faits, comme si cela suffisait, alors que leurs voix demeurent inaudibles, au-delà des frontières nationales et des réseaux sociaux communautaires. Nous n'avons même pas la célébrité de nos malheurs, pour reprendre le mot de Rousseau. Les pros de la militance se contentent de nommer ce qui est, sans jamais chercher à acculer au mur ceux qui décident, du prolongement scandaleux de cette tragédie. Mais se sentent-ils vraiment concernés par ceux qui disparaissent en mer, ou n'est-ce pour eux qu'un argument d'existence politique ? François Hollande est passé faire de la gymnastique française en pays conquis, lors du 4ème sommet de la COI. Le président comorien, jouant de ses fausses prérogatives de pays-hôte, en a profité pour jouer les danseuses effarouchées pour calmer le jeu et donner l'impression d'une normalité, sans plus.
Ses pairs de l'océan indien, en bons mendiants auprès de sa seigneurie Hollande, ont fermé l'œil sur l'illégalité d'une situation française en ces eaux comoriennes. C'est à se demander ce que les Comores font encore dans la COI. La preuve que les carottes sont pourries de l'intérieur : le droit international n'a même pas été mise à contribution, au-delà des phrases de principe. Le président français, en pleine crise de reconquêtes des terres et des consciences jadis colonisées par son Etat (rappellons-nous le cas du Mali) a pu se pavaner tout en rondeurs sous les hourras de l'amitié, sans gêne, et avec arrogance, à Moroni, le 26 août dernoer. Les morts du Visa Balladur, qu'ils traitent de clandestins, ne pèsent nullement sur sa conscience. Ce qui ne devrait pas être le cas, ni pour le président Ikililou Dhoinine, ni pour les petits ouvriers de la diplomatie comorienne, encore moins pour le citoyen de cet archipel, que l'on empêche de circuler en sa terre.
Dans d'autres sociétés, il arrive que l'on dise que « trop, c'est trop ». COMORES / Des morts en kwasa : Un déni organiséLe gouverneur de l'île d'Anjouan, qui fit sensation, il y a quelques semaines, en accusant la France de génocide, s'est comme tu, soudain. Lui aussi s'est emparé de l'histoire comme d'une marotte en politique, histoire de faire le beau. Mais il pourrait faire mieux. Car peu de Comoriens savent que l'organisation étatique de ce pays l'autorise à mettre un grain de sable dans la machinerie française, en bloquant les refoulements, et en contraignant le gouvernement à se pencher sur cette question. Tout comme peu de Comoriens savent que leur Etat peut se rendre à la Cour pénale internationale au nom de ces morts pour contraindre la France à plus de mesures. Et si l'Etat ne le fait pas, il est toujours possible pour les parlementaires comoriens de contraindre à leur tour le président de la République, constitutionnellement parlant, en interrogeant sa responsabilité. Cela, bien sûr, si ces morts les interpellent dans leur sommeil.
Doit-on rappeler ici que les citoyens de cet archipel, qu'ils soient de Mayotte occupée ou des Comores faussement indépendantes, peuvent contraindre leurs élus à agir contre le Visa Balladur ? Nul besoin ! Car ces morts, tout le monde donne l'impression de s'en foutre. Raison pour laquelle la France peut continuer à agir en toute impunité dans ces eaux comoriennes. Aussi, parce que les Comoriens eux-mêmes se satisfont des discours, et n'ont aucune envie d'engager une action efficiente contre ce mur Balladur. Comme jadis, en situation de mercenariat, ils s'accommodent de leurs faiblesses, au lieu d'agir en conséquence. Car qui pourrait expliquer que quinze mercenaires aient pu tenir un pays douze années durant ? Aujourd'hui, c'est ce visa inique portant le nom de Balladur qui symbolise le mépris de la puissance française. Vingt ans que ça dure ! Et les Comoriens qui renoncent à eux-mêmes, à leur solidarité, à leurs morts. Ils sont en mode survie pensent-ils. Une triste vérité, pendant que « l'anonyme mort grandit » autour, comme l'écrit le poète Saindoune Ben Ali, dans Testaments de transhumance.
Une chose à rappeler, néanmoins, ne serait-ce que honnêteté. Si la question est de savoir si l'on peut réellement mettre fin à cette tragédie, la réponse est oui. Les mécanismes existent, le permettant. Mais si le principe se résume à écrire et à beugler contre la France pour se donner bonne conscience, alors oui, les militants comoriens pour Mayotte comorienne s'en sortent assez bien. La grande échéance à venir concerne l'assemblée générale des Nations Unies. Pour l'instant, aucun militant ne s'est prononcé sur l'action à mener pour contraindre l'Etat.
Basta, citoyen et indigné
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