Il y avait
TAMA qui s'occupait de ramener quelques enfants des rues "chez eux" à
Anjouan. Une autre association est apparue sur le marché très convoité de
la prise en charge des migrants et des enfants de la rue, dans lequel agissent
déjà, depuis de nombreuses années, des associations nationales comme la CIMADE
ou RESF.
La nouvelle
porte le nom de "Village d'EVA". On pourrait croire que c'est le
diminutif d'"évacuation" (l'objectif annoncé étant de ramener chez
eux ces enfant dont un grand nombre vient d'Anjouan). On pouvait aussi imaginer
qu'EVA est le prénom de la fille d'un des fondateurs (l'association étant
portée surtout par ceux qu'on appelle à Mayotte les
"Métropolitains"). Mais non ! il s'agit selon le responsable du
"Village d'Echelle Visuelle Analogique". Va comprendre. Certains
n'ont jamais peur du ridicule quand ils sont en Afrique.
L'association
a été créée en janvier 2014, mais ce n'est que maintenant qu'elle lance une
offensive médiatique pour se faire connaître, à quelques semaines de la fin de
l'année scolaire et du début des expulsions massives, surtout des mineurs
scolarisés. Il faut croire que l'offensive a été une réussite puisque même
nous, nous en parlons.
L'association
est présidée par deux Métropolitains (Aurélie Arribat, médecin urgentiste et
Ferdinand Beyene, chef d'entreprise). Son Porte-parole est un Maorais (Salim
Ahamada).
Le 14 juin
dernier, le Village d'EVA a fait son AG, en invitant les médias. Durant la
réunion furent évoqués, selon divers médias locaux, pèle-mêle, les lieux
communs répandus à Mayotte au sujet des migrations dans l'archipel et sur les
enfants des rues évalués à près de 6000 mineurs qui font craindre une explosion
des chiffres de la délinquance dans l'île. Comme d'habitude dans ce genre de
réunion à Mayotte, chacun y est allé de sa solution miracle, tout en faisant
attention à ne pas froisser le gouvernement français (l'employeur de la grande
majorité des "métropolitains") en évoquant la situation de l'île
vis-à-vis du droit international.
A ce propos,
la palme des "bonnes idées miracles" est revenue au Porte-Parole de
l'association, puisque selon le journal de Mayotte, il a suggéré de
"déposer plainte au Tribunal Pénal International pour non assistance à
personne en danger" contre l'État comorien.
Les membres
des associations de la société civile comorienne doivent rire, eux qui ont,
maintes fois, demandé aux divers gouvernements comoriens depuis une quinzaine
d'années de porter plainte contre l'Etat français auprès de ce même tribunal
pour l'obliger à respecter les résolutions de l'ONU. La situation pourrait donc
se retourner contre le gouvernement comorien ?
Pourtant,
dans le même temps, l'association s'est fendue d'un communiqué dans lequel elle
félicite le président comorien "d'avoir fait procéder à la destruction de
kwassas". Une première dans les trois autres îles de l'archipel. En effet,
cette procédure est régulièrement mise en oeuvre dans l'île de Mayotte, où ceux
qu'on appelle "les passeurs" sont systématiquement condamnés à de la
prison ferme. Pour la première fois, le 4 juin dernier, le Procureur de la
République de Mutsamudu a ordonné la destruction de 15 vedettes prêtes à
prendre la direction de Mayotte. L'association EVA indique avoir écrit une
lettre au Président Ikililou "pour le féliciter de cette intervention qui
contribuera à sauver des vies".
Dans les
trois îles, il n'y a eu aucune réaction, ni pour féliciter le gouvernement, ni
pour le blamer. Pourtant, cet événement semble montrer qu'à l'approche de la
visite du président Hollande aux Comores en juillet prochain, il y a un
rapprochement quant aux pratiques judiciaires s'agissant de la répression sur
les candidats aux déplacements entre la Grande-Comore, Mohéli et Anjouan d'une
part et Mayotte de l'autre. La justice comorienne empruntant les procédures de
la justice française en la matière.
Mais, même
si les juristes comoriens sont restés silencieux face à cette décision de la
justice comorienne, il convient de se demander, d'une part, si la loi
comorienne prévoit la destruction de vedettes avant même que le délit ne soit
commis, et d'autre part, si la libre circulation entre les quatre îles des
Comores n'est plus garantie par la Constitution.
Bien sûr, on
nous opposera la sécurité et le nombre de morts chaque année entre Mayotte et
Anjouan. Mais alors, pourquoi la gendarmerie et la justice comorienne ne
pourraient pas jouer le jeu de la sécurisation de ce genre d'embarcations, en
exigeant qu'elles soient aux normes, que les passagers soient moins nombreux,
qu'ils aient des gilets de sauvetage... Pourquoi reproduire ce qui se passe à
Mayotte ?
Il parait
évident que le gouvernement comorien cherche à satisfaire des exigences de
l'Etat français, même si cela va à l'encontre des droits fondamentaux des
Comoriens, et cela sans rien obtenir en contre-partie, puisqu'il continue à
demander à la France, au moins un assouplissement significatif des conditions
de délivrance des visas entre Mayotte et ses trois îles soeurs. En vain.
Mahmoud
Ibrahime
Blog wongo
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