François Hollande à Moroni a pu choquer une certaine opinion, propre sur elle-même, toujours prompte à donner des leçons, persuadée qu'elle a raison sur les faits. Parmi les plus excités se trouvent les défenseurs du droit international. Des perroquets au verbe facile, capable de vous assommer avec des discours inaudibles sur la raison du plus juste, sans jamais arriver à se faire entendre, même au sein de la population comorienne. Combien de lettres ouvertes à Hollande durant ces dernières semaines ? Qui va les lire à l'Elysée, maintenant que le président français a pu traverser Moroni, sans être ébranlé, ne serait-ce que par la tragédie du mur Balladur ?
La vérité est relativement âpre, difficile à admettre, implacable pour quiconque exige des réponses dans cette histoire de relation franco-comorienne au goût de sagou frelaté. La phrase peut ne pas plaire à beaucoup, mais il y a longtemps que les dés sont jetés. Non pas parce que les Comoriens seraient malchanceux ou maladroits, mais simplement parce que la France a toujours su tisser sa toile d'influences, en se fondant sur une connivence comorienne, sans éthique politique. Combien sont-ils à mendier une bénédiction à l'ambassade de France pour exister dans ce pays ? Des petits privilèges (décorations, visas, bourse, aide en coopération) à la peur de ne pouvoir se présenter aux élections de 2016 (faute de soutien élyséen), ils sont nombreux à s'inscrire dans les promesses françaises, à rendre le lobbying néocolonial possible. Qui irait imaginer qu'un ministre comorien haut placé échangerait son silence contre la nomination de son épouse à la tête d'une institution nationale sous contrôle de l'AFD ?
C'est François Hollande qui, justement, a parlé de l'Agence française de développement à Mayotte, vendredi dernier. C'est lui qui a évoqué la possibilité de racheter la colère bue des Comoriens contre l'amputation archipélique. Et c'est l'AFD, qui, par son clientélisme et ses petits réseaux, va réussir a semer le trouble dans les esprits, en annulant une hypothétique dette de l'Etat comorien et en signant deux ou trois accords de coopération. Car c'est elle qui démantèle le pays, bout par bout, chantier par chantier. Il suffit de voir le travail abattu dans le démembrement du système de santé publique depuis cinq ans. Les indignés comoriens devraient commencer par refuser l'aide offerte par l'AFD. C'est aussi important que d'obliger l'Etat comorien à se rendre à la Cour pénale internationale pour les morts du Visa Balladur. Mais qui ça intéresse ? Durant son règne, Sambi avait réussi le tour de force de contourner cette pièce maîtresse de la diplomatie d'influences qu'est l'AFD, en ouvrant la porte à des capitaux étrangers. Son petit jeu n'a malheureusement pas duré. Et l'essentiel des valeurs de dépendance économique ont été préservées, grâce aux agents comoriens mis sous influence. Il semble qu'une entreprise française, établie dans le pays grâce à cette même AFD, s'apprêterait à financer des élections locales, en corrompant quelques oligarques locaux. Il suffit de se renseigner sur le port de Moroni pour savoir que tel ministre ou tel directeur a sauvé sa peau dans l'administration grâce à l'appui non déclaré de l'AFD. Ces choses-là, attention, ne se disent pas à haute voix...
François Hollande a pu parader sans risques à Moroni, lors du 4ème sommet de la COI, parce que le vers est dans le fruit, depuis fort longtemps. Tout le monde devine le visage de ces officiels ayant comprimé l'expression populaire dans les quartiers ce week-end pour éviter des désagréments au président de la république française. Tous ces élus et représentant de l'autorité nationale, qui, en réalité, ne travaillent qu'à leur survie personnelle dans un système corrompu jusqu'à sa racine. Tous ces hommes d'affaires, qui, en réalité, ne pensent qu'à leurs profits immédiats, si dérisoires, comparés à l'avenir d'un pays. Tous ces conseillers de l'ombre, consultants et militaires, pieds et poings liés par l'intelligence française en guerre contre le peuple de ces îles. Nul ne devrait s'étonner que cela nous arrive. Si Hollande a pu faire son numéro sans subir une crise dans les rues de Moroni, c'est parce des Comoriens, bien mis dans leurs costumes et dans leurs fonctions, ont desservi l'intérêt de ce pays, sous contrôle direct des services de l'ambassade de France et des envoyés spéciaux de Paris. Ils ont même annoncé dans les journaux (quelle arrogance !) que la France s'était spécialement chargée de former tout le monde pour l'occasion, afin qu'il n'y ait aucun dérapages.
Il serait idiot de croire que ce travail ne date que d'hier. Le trafic d'influences opéré en ces îles par la France remonte à 1841. Il y en a toujours eu, qui œuvraient au service de l'ennemi, parmi les élites dirigeantes de ce pays. Mais on omet toujours de les citer. A la mort du président Ahmed Abdallah, chacun y est allé de son discours sur le temps des mercenaires et de la dictature en toge. Mais combien sont-ils à être devenus des acteurs (ou des marionnettes ?) du « second cercle », en ayant collaboré au plus près avec la France et ses chiens de guerre dans l'ombre ? Quelqu'un s'interrogeait, précédemment, sur le silence du parlement comorien durant le sommet de la COI, ce week-end ? Mais cette personne sait-elle au moins qui était l'actuel président de l'assemblée nationale du temps de Bob Denard ? Un président de l'assemblée nationale intercepté par la police française, il y a encore quelques mois, avec des valises d'argent non déclarés à Roissy ? Comme c'est un pays qui pardonne à ses traîtres, tout le monde se tait, bien sûr. Et la France continue ainsi à acheter le silence et le zèle des uns et des autres, à prix soldés. A Moroni comme à Mayotte, c'est comme ça que le pouvoir perdure. En trahissant le peuple contre de petits avantages sans nom. Vous aurez remarqué que la France n'a plus besoin de crier au loup dans ces îles. Il y a toujours un bon mahorais ou comorien pour le faire à sa place.
Et dans ce cas précis, on explique à l'opinion que le pays risque de rater une occasion de se taire et de profiter des largesses françaises, sans lesquelles il ne pourrait tenir debout. Question d'histoire ! Qui se souvient des conseillers techniques de la coopération française dans les ministères comoriens des années 1980 ? On se souvient à peine de la suite : le PAS, les entreprises publiques bradées, le séparatisme, et le pays encore plus déstructuré que jamais. A dire vrai, ce sont surtout les jeunes qui devraient s'énerver. Ce sont eux – environ 60% de la population – qui trinquent, en premier lieu. Mais comme leurs aînés se taisent, ils finissent par penser que la France ne fait que jouer pleinement son rôle, en renforçant son contrôle sur ce territoire. Car les Comores ne sont pas une chose indépendante, loin de là. Les Comores sont une colonie, n'en déplaise aux militants de toute sorte, divisée en deux espaces, Mayotte et le reste des îles, avec des variations de statut. Une fois intégrée cette dure vérité, ces jeunes n'ont que deux alternatives possibles. Soit ils apprennent à se vendre au plus offrant pour profiter du système à leur tour, soit ils brûlent tout ce qui bouge autour pour que ça change. Car ce sont eux qui paient le prix fort, entre Anjouan et Mayotte, dans cette mainmise française aux Comores. Mais le fait est qu'ils n'en sont pas conscients. Le système leur a tellement déformé l'esprit qu'ils ont du mal à saisir la complexité des enjeux. Et c'est ainsi que la France peut continuer à renverser les barques dans l'impunité, à fabriquer des sans-papiers dans le mépris, à nourrir une guerre de la salive inutile, avec l'aide de ses agents comoriens mis sous influence.
Qui gagne quoi au prix du silence politique sur le marché de Volo Volo ?
Kari Dufj.
SOURCE : murballadur13
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