samedi 12 juillet 2014

Happés par de poupées russes et un serpent de mer



Le strabisme divergent de pouvoirs publics allaitant à l’alcool d’un seul sein

Happés par de poupées russes et un serpent de mer, ils se noient dans l’océan d’alcool

Par ARM

      Décidément, tout ce qui touche le commerce de l’alcool aux Comores relève des poupées russes ou matriochkas. En effet, la particularité des poupées russes, c’est que, de tailles décroissantes, elles sont placées les unes à l’intérieur des autres et chaque fois qu’on en ouvre une, on en découvre une autre à l’intérieur. De fait, chaque fois qu’on soulève un pan de l’affaire d’importation de l’alcool aux Comores, on croit avoir fait le tour du sujet, et on finit toujours par tomber sur autre chose. C’est un univers sans fin, et toute tentative de solution finit par rassembler à un serpent de mer, cet animal dont l’existence relève de la cryptozoologie – qu’il ne faut pas confondre avec crypto-sambisme – à savoir la recherche et l’étude des animaux dont l’existence réelle n’est pas garantie de manière irréfutable et irréfragable. En effet, depuis juin 2014, l’actualité alcoolique et alcoolisée des Comores est surchargée, à telle enseigne que les Comoriens, même en bons pères de famille, n’en peuvent plus. Un petit retour en arrière nous permet de constater que le 5 juin 2014, le bon Hamada Moussa, ci-devant Directeur général de l’Administration des Impôts et des Domaines – un poste juteux, à ce qu’il paraît –, a signé deux notes relatives à l’autorisation d’importation de l’alcool aux Comores. L’une d’elles est joliment intitulée «Note relative à l’annulation de l’autorisation d’importation des boissons alcoolisées délivrée à AGK». La seconde est poétiquement intitulée «Note relative à la suspension de l’autorisation d’importation des boissons alcoolisées délivrée à la société NICOM». Bien évidemment, l’«annulation» signifie que l’acte administratif est retiré de l’ordonnancement juridique de manière définitive, alors que la «suspension» est une «mesurette» provisoire. «Deux poids, deux mesures», et à Mohéli, cela s’appelle «allaiter d’un seul sein».



      Or, pour que la licence d’importation de l’alcool soit accordée, il faut remplir quelques conditions de base: être en règle avec l’Administration des Impôts, être dans ce secteur d’activités depuis au moins dix ans et respecter un cahier de charges en matière de santé publique. Au surplus, un arrêté signé de la main du Vice-président Mohamed Ali Soilihi le 13 juin 2014 pose le principe de l’existence d’au moins deux opérateurs dans ce secteur d’activité afin de mettre fin à toute situation de monopole. Or, ce n’est pas ce que les Comoriens ont constaté. Et, par la suite, médusés et scandalisés, ils assistèrent au plus grand bal de l’hypocrisie, de la duplicité et du double langage, quand ils virent leurs Oulémas, le Grand Mufti de la République en tête, des notables et des politiciens raser les murs pour faire le pèlerinage à l’Assemblée de l’Union des Comores plaider la cause de la Société NICOM. D’ailleurs, il ne fallait même pas forcer la dose pour convaincre nos honorables Députés de la Commission des Finances, qui ont une fiche de paie au Service comptable de NICOM et quelques tee-shirts à porter pour bien pavoiser et narguer les Comoriens.



      Bien motivés par la fiche de paie de NICOM, les représentants de NICOM à l’Assemblée de l’Union des Comores se surpassèrent en veulerie quand ils font firent état de leur refus de présenter deux rapports relatifs aux projets de lois de finances rectificatives et à la cession des actions de l’État à la Banque de développement des Comores tant que n’est pas annulée la note relative à la suspension de la licence d’importation de l’alcool par NICOM. Ce fut une première mondiale car aucun Parlement au monde n’a déjà pris un tel risque pour se faire ridiculiser, en prenant en otage non seulement le Parlement, la représentation nationale, mais également tout un pays. Un spectacle honteux. Et c’est ainsi que la Société NICOM fut de nouveau autorisée à importer ses bitures pendant que la Société AGK est dans la Prohibition des années 1920. Or, AGK est le premier contribuable des Comores et a même obtenu le Certificat de Mérite de la Douane en 2013. Donc, l’État comorien «allaite d’un seul sein».


    Aujourd’hui, on assiste à une vaste mascarade qui se présente sous forme de manipulation malodorante. Comme cela a été signalé le jeudi 10 juillet 2014, Môssieur Shemir Kamoula m’attribue l’honneur d’avoir rédigé les «conclusions des plaidoiries» de l’affaire BIC-NICOM pour le compte de Maître Ibrahim Ali Mzimba, alors qu’en 2007, je n’avais aucun contact avec ce dernier. C’est donc un gros mensonge. Mais, plus grave encore, on met les paroles suivantes dans la bouche de Môssieur Shemir Kamoula, dont Maître Ibrahim Ali Mzimba était l’avocat dans l’affaire BIC-NICOM, qu’il avait remportée non seulement à Moroni, mais également à Paris: «Si aujourd’hui, Mzimba mène un train de vie d’un monarque, c’est grâce à l’argent de l’alcool que je lui verse régulièrement. En plus, c’est lui qui négociait avec les juges mes procès. Lui qui n’a jamais gagné un procès a toujours acheté les procès auxquels il plaidait, y compris les miens. Aux Comores, comme me disait Mzimba,“on n’a pas besoin d’un bon avocat mais plutôt un bon client capable de remplir les poches du juge”».



      Bien évidemment, on comprend la colère de Môssieur Shemir Kamoula envers Maître Ibrahim Ali Mzimba – qui l’a lâché et désavoué publiquement –, au cas où il aurait réellement tenu les propos précités, car une source proche du dossier nous dit: «Shemir Kamoula serait-il en colère contre Ibrahim Ali Mzimba jusqu’à s’accuser lui-même d’être un tricheur en Justice? Ça serait fou. Et puis, comment peut-on aller proposer des pots-de-vin à des juges français, qui placent en garde à vue même les puissants? Quelque part, entre Shemir Kamoula et ceux qui citent ses paroles réelles ou fabriquées, quelqu’un ment. Et comment un homme prudent et sérieux comme Ibrahim Ali Mzimba peut-il aller négocier des procès, même contre l’État, puisque dans l’affaire BIC-NICOM, il avait pour adversaire l’État? Les perdants doivent accepter les défaites sans avoir à salir les gagnants». Il y a même une nécessité d’avoir la «défaite modeste». Donc si Môssieur Shemir Kamoula accuse son ancien avocat, c’est qu’il donne raison à tous ceux qui disent de lui-même qu’il est quelqu’un d’infréquentable et de peu recommandable. Il ne peut pas sauver sa peau en accusant autrui. Sa stratégie de communication et de défense est à faire, car il n’en a pas. Son futur avocat va le couler définitivement.



      En tout état de cause, nous n’avons entendu aucun démenti de la part de Môssieur Shemir Kamoula, alors que le jour où certains s’étaient aventurés à soutenir imprudemment que la Société AGK payait les salaires des fonctionnaires comoriens, Amine Kalfane s’était fendu d’un communiqué cinglant pour demander à ce que le nom de la Société qu’il dirige dans une discrétion totale ne soit pas mêlé à des magouilles, et plus personne n’en a parlé.



     Nous attendons donc des pouvoirs publics des explications pour qu’ils nous expliquent les raisons qui les ont conduits à permettre de nouveau à NICOM d’importer ses boissons alcoolisées alors que la Société AGK est toujours au régime sec, dans la Prohibition des années 1920. Il faudra que les autorités, qui n’avaient nullement motivé les notes du 5 juin, alors qu’il s’agit tout de même de mesures individuelles, nous expliquent cet «allaitement sur un seul sein».

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