dimanche 20 juillet 2014

Opinion Libre : Conflit de loi dans le temps !




Conflit de loi dans le temps, la règle de la non-rétroactivité des lois


Cette question loin d’être facile à résoudre est, en réalité, des plus complexes. La réponse on la trouve dans le code civil français qui précise en son article 2 : “la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif“. Quel est le sens des deux propositions indépendantes contenues dans cet article?


1. « la loi n’a point d’effet rétroactif » , cela signifie qu’une loi est sans application aux situations juridiques dont les effets ont été entièrement consommés sous l’empire d’une loi précédente. Par exemple : deux époux ayant divorcé et décédés avant le vote de la loi portant
code de la famille, cette loi n’a aucune prise sur une situation juridique qui a épuisé ses effets.


2. “la loi dispose pour l’avenir“. Ce qui signifie qu’à partir du moment où une loi est en vigueur, elle régit les situations juridiques qui sont nées postérieurement à cette mise en vigueur. Ainsi deux personnes qui souhaitent se marier après le code de la famille, ne peuvent le faire que devant un juge, en l’occurrence, le qâdî. Mais l’application de ces règles n’est pas souvent aisée en raison de la complexité des faits sociaux. La création d’une situation juridique nécessite parfois une série d’actes. Si un changement de législation intervient après l’accomplissement d’un acte, mais avant la réalisation de l’acte suivant, comment déterminer la compétence des deux lois successives. En outre, des situations créées sous l’empire de la loi ancienne peuvent produire des effets sous l’empire de la loi nouvelle, ce qui est de nature à susciter, également, des difficultés pour la détermination de la compétence respective de deux lois. Ainsi un contrat de prêt consenti à un taux d’intérêt licite, si en cours de contrat une nouvelle loi fixe le taux d’intérêt permis à un taux inférieur à celui qui avait été convenu, cette loi a-t-elle pour effet de modifier le taux convenu? Si oui, cette application concernera- t- elle seulement l’avenir, ou même les intérêts échus déjà payés? L’interprétation de l’article 2 est donnée par l’opposition de deux écoles : au dix-neuvième siècle sous l’influence individualiste, l’accent a été mis sur la rège de la non-rétroactivité des lois. Au cours du vingtième siècle en revanche des préoccupations d’intérêt général ont donné la priorité à l’effet immédiat de la nouvelle loi, à la disparition pour l’avenir de la force obligatoire de la loi ancienne. En effet, la loi nouvelle étant présumée meilleure que l’ancienne, il faut s’efforcer de l’appliquer au maximum de faits et d’actes, même si cela et de nature à troubler les prévisions des intéressés. Dire que la loi n’a pas d’effet rétroactif, cela signifie qu’il ne faut pas appliquer une loi à des actes ou à des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis force obligatoire, en vue de modifier ou d’effacer les effets juridiques produits sous l’empire de la loi ancienne. La règle de la non-rétroactivité des lois apparaît aussi rationnelle qu’équitable, mais le fondement du principe varie selon que l’on s’inspire de telle conception. Si dans une perspective d’intérêt public, on insiste sur le progrès que représente toute loi nouvelle, ainsi que sur la nécessité de son “effet immédiat“, on reconnaît toutefois comme opportun le maintien de la non-rétroactivité de la loi, dans l’intérêt de la loi elle-même et de la sécurité du commerce juridique. Dans les conceptions dominantes à l’heure actuelle, la règle de non rétroactivité est conservée, mais elle n’est plus présentée comme un impératif absolu : dans certains cas, les nécessités du progrès doivent l’emporter sur l’intérêt de sécurité des citoyens et de stabilité de la loi. La question la plus importante est celle de savoir à qui s’impose la règle? En l’état actuel du droit français auquel s’inspire le droit comorien, il ne s’agit pas, en principe d’une règle constitutionnelle. La règle de non-rétroactivité ne figure que dans le code civil français (art 2) et dans le code pénal français (article 112-1). Cependant l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme repris dans le préambule de notre constitution, confère au principe de non-rétroactivité des lois pénales une valeur constitutionnelle. (Cons Contst. 9 janvier, 22 juillet, 30 décembre 1980, D 1982). Tandis que selon une décision du Conseil constitutionnel (français) l’art 2 du code civil n’a que la valeur d’une loi ordinaire (cons. const 19 et 20 janvier 1981 D 1982). Si le législateur peut procéder, sauf en matière pénal (sous réserve de la rétroactivité, des lois pénales plus douces), par voie de lois rétroactives, en revanche la règle de non-rétroactivité lie les autorités administratives en matière de règlements. La non rétroactivité est, en effet, une garantie fondamentale des libertés publiques rentrant dans le domaine législatif. Seule la loi peut y déroger. Toutefois, une loi ne sera considérée comme dérogeant à la règle ordinaire de la non-rétroactivité que si le législateur a manifesté nettement et même expressément sa volonté en ce sens dans la loi nouvelle. Surtout, aux époques de crise, en vue de faire face à des situations exceptionnelles, dangereuses pour l’ordre social, il peut être nécessaire de sacrifier les intérêts particuliers et de donner effet rétroactif à certaines lois. La loi nouvelle régit seule, en principe, l’avenir. Une loi nouvelle entre en vigueur, elle s’applique aux faits et actes postérieurs à sa publication. C’est ce que l’on appelle l’effet immédiat de la loi nouvelle. Mais, cette notion est difficile à utiliser, car les faits et les actes de la vie juridique sont souvent complexes. Le problème est de savoir si la loi ancienne survivra à son abrogation pour continuer à régir les effets futurs des faits ou des actes antérieurs. Face à l’insuffisance des réponses apportées par le code civil (français), il revient à la jurisprudence de faire oeuvre créatrice en s’inspirant des grandes doctrinales.


Théorie classique d’inspiration libérale, elle a prétendu résoudre la question du conflit de lois dans le temps par une distinction entre les droits acquis et les simples expectatives. Alors que la loi nouvelle ne pourrait, sans rétroactivité, porter atteinte aux premières, elle pourrait au contraire modifier ou supprimer les secondes. La chambre civile de la Cour de cassation (Française), a, par arrêt du 20 février 1917, décidé que l’enfant né antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle pourrait donc agir en recherche de paternité sur le fondement de celle-ci. A l’inverse par un arrêt des chambres réunies rendu le 13 janvier 1932, la Cour de cassation a décidé que le congé préavis donné par le bailleur à son locataire, conformément à la loi alors en vigueur, constituait au bénéfice du premier un droit régulièrement acquis sous l’empire de la loi antérieure. La loi nouvelle ne lui était donc pas applicable. Cette distinction a été critiquée par la doctrine moderne comme étant insuffisante et mal fondée.


b) Théorie moderne : La plupart des acteurs se sont ralliés à la théorie moderne élaborée par le doyen Roubier (les conflits de lois dans le temps, 1929 ; le droit transitoire, préel 1960). Celui-ci raisonne à partir du concept de situation juridique, abandonnant la notion de “droit acquis“. Selon lui, la nouvelle loi marque une coupure dans le temps, alors que le passé demeure régi par l’ancienne, l’avenir l’est par la loi nouvelle. Partant les situations juridiques qui font problème, c’est-àdire celles qui prolongent leurs effets au-delà de celui-ci (situation en cours), il convient de procéder à la distinction suivante : la loi nouvelle ne peut revenir sur les conditions dans lesquelles ces situations se sont constituées, ni modifier les effets qu’elles ont déjà sortis (principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle). En revanche, elle s’empare de ces mêmes situations pour leur faire produire, à compter de son entrée en vigueur, des conséquences éventuellement différentes (principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle) sauf pour les situations contractuelles qui restent en principe régies, même pour l’avenir, par la loi sous l’empire de laquelle elles ont été créées (principe de la survie de la loi ancienne)


c) Combinaison des théories par la jurisprudence. Elle soumet “les conditions de validité et les effets passés“ à la loi ancienne et “les effets à venir des situations non contractuelles en cours à la loi nouvelle (grands arrêts n°5). Et elle a affirmé le principe de survie de la loi ancienne pour les situations contractuelles en cours (grands
arrêts n°6).


Conclusion. Il ressort de l’analyse qui précède que la règle de la non-rétroactivité ne s’impose qu’en matière civile et en matière pénale. Elle n’est plus considérée comme un impératif absolu : l’intérêt général et la nécessité du progrès l’emportent sur l’intérêt de sécurité des citoyens et de stabilité de la loi.

Nidhoim Attoumane

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